Photographier ses expériences booste la mémoire visuelle mais réduit la mémoire auditive

photo mémoire

Un coup d’œil rapide sur n’importe quelle plateforme de réseau social vous dira que les gens aiment prendre des photos de leurs expériences – qu’ils soient allongés sur la plage, en visite dans un musée ou simplement en train de faire la queue à la caisse du supermarché.

De nouvelles recherches montrent que le fait de prendre des photos peut en fait nous aider à nous souvenir des détails visuels de nos rencontres.

Les résultats sont publiés dans Psychological Science, une revue américaine de l’ « Association for Psychological Science ».

« Nos recherches apportent un regard neuf car elles montrent que la prise de photos en elle-même améliore la mémoire pour les aspects visuels d’une expérience mais peut impacter la mémoire pour les aspects non visuels comme les détails auditifs« , affirment les auteurs.
Cette recherche a été menée par Alixandra Barasch (New York University Stern School of Business), Kristin Diehl (USC Marshall School of Business), Jackie Silverman (The Wharton School de l’Université de Pennsylvanie), et Gal Zauberman (Yale School of Management).

Des recherches antérieures ont suggéré que le fait de pouvoir prendre des photos ou de consulter Internet pourrait nous permettre d’externaliser notre mémoire, libérant ainsi des ressources cognitives, mais pouvant nuire à notre capacité de mémorisation.

Barasch, Diehl, Silverman et Zauberman ont émis l’hypothèse que cet effet d’externalisation pourrait être valable pour les informations factuelles, mais qu’il pourrait ne pas s’appliquer aux expériences que nous choisissons délibérément de photographier.
« Les gens prennent des photos spécifiquement pour se souvenir de ces expériences, qu’il s’agisse d’un dîner amusant entre amis, d’une visite touristique ou d’autre chose », affirment-ils.

En réalité nous ne regardons que très peu les photos numériques que nous prenons. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la photographie instantanée prend de l’ampleur.

Se recentrer sur la photo en tant qu’objet permet de se recentrer sur l’essence même de la photo qui est le souvenir d’une expérience. Les chercheurs se posent la question : Dans quelle mesure nous souvenons-nous des expériences que nous photographions si nous ne revoyons jamais les photos ? De plus, le fait de prendre des photos affecte-t-il la mémoire de ce que nous avons vu différemment de ce que nous avons entendu ?

Dans le cadre d’une expérience, les chercheurs ont fait visiter à 294 participants une exposition d’objets d’art dans un musée. Les participants se sont débarrassés de leurs affaires avant de commencer la visite mais certains ont été autorisés à garder un appareil photo sur eux.

photo pour améliorer la mémoire

Ceux qui avaient un appareil photo pouvaient photographier tout ce qu’ils voulaient dans l’exposition et on leur a demandé de prendre au moins 10 photos. Pendant la visite de l’exposition, les participants ont écouté un audioguide qui les accompagnait.

À la fin de la visite, ils répondaient à des questions à choix multiple leur demandant d’identifier les objets qu’ils avaient vus ou de compléter les déclarations factuelles de l’audioguide.
Les résultats ont montré que ceux qui avaient pris des photos reconnaissaient visuellement plus d’objets que ceux qui n’avaient pas d’appareil photo.

Mais ils se souvenaient également de moins d’informations auditives que leurs pairs sans appareil photo.
Ces résultats ont prouvé que la prise de photos peut améliorer la mémoire visuelle. Pour tester leurs hypothèses dans un environnement plus contrôlé, les chercheurs ont conçu une visite virtuelle de la galerie d’art. Les participants ont navigué dans la galerie à l’écran comme ils le feraient dans la vie réelle et certains ont pu prendre des photos de ce qu’ils ont vu à l’écran en cliquant sur un bouton.

Là encore, les participants qui ont pu prendre des photos ont mieux reconnu ce qu’ils ont vu et moins bien mémorisé ce qu’ils ont entendu, par rapport à ceux qui n’ont pas pu prendre de photos.

Lorsque les chercheurs ont étudié la mémoire visuelle pour des objets spécifiques, ils ont constaté que les participants capables de prendre des photos se débrouillaient mieux sur des tâches de mémoire visuelle, peu importe que les objets en question aient été plus ou moins photographiés. Les photographes avaient même une meilleure mémoire visuelle pour les parties de l’exposition qu’ils n’avaient pas photographiés, par rapport aux participants qui n’étaient pas capables de prendre des photos.

« Ces résultats suggèrent que le fait d’avoir un appareil photo change fondamentalement la façon dont les gens abordent une expérience », affirment les auteurs. « Même lorsque les gens ne prennent pas de photo d’un objet particulier, comme une sculpture, mais qu’ils ont un appareil photo avec eux et l’intention de prendre des photos, ils se souviennent mieux de cette sculpture que les personnes qui n’avaient pas d’appareil photo avec eux ».

En mettant en commun les résultats des quatre études, les chercheurs ont constaté que la prise de photos avait un effet positif fiable sur la mémoire visuelle et un effet négatif plus faible mais fiable sur la mémoire auditive.

Même les participants qui pensaient que leurs photos seraient effacées et ceux à qui l’on avait demandé de « prendre mentalement une photo » ont montré une mémoire visuelle améliorée et une mémoire auditive altérée par rapport aux participants qui ne pouvaient pas prendre de photos.

Ensemble, ces expériences suggèrent que le fait de photographier nos expériences n’externalise pas tant notre mémoire qu’il la concentre, en canalisant notre attention vers les aspects visuels de nos expériences et en l’éloignant des autres.